Étude d’un solitaire aguerri
La solitude est un art qui, une fois maîtrisé, permet au solitaire de comprendre et d’exploiter pleinement ses capacités

Introduction
Qu’est ce que c’est ?
Se sentir seul, isolé. “Isola, l’île” 1. Paroles de Rone – Bora Vocal
La solitude, c’est un sentiment généré par le corps, et traité par le cerveau.
D’après J. Bowlby, c’est un manque, comme la faim et la soif, de quelque chose, en l’occurrence, l’échange et les stimulations sociales. Le cerveau envoie le signal que l’homme est trop renfermé, qu’il n’est pas assez stimulé par le contact d’autres humains.
C’est l’ennui des interactions humaines.
Pour ne pas en souffrir, l’esprit ne doit pas lutter contre le sentiment de solitude, mais au contraire s’en servir de tremplin, de levier. C’est-à-dire, ne pas subir la solitude en se disant “je suis tout seul et je n’en peux plus”, mais plutôt voir le verre à moitié plein : profiter de ce moment de liberté, de tranquillité, et le mettre à profit.
Et comment on arrête de s’ennuyer, au sens de ne rien avoir à faire, et de ne pas avoir d’idées de quoi faire ? On se force à faire des choses ! Eh bien la solitude, c’est pareil. Sauf que, comme l’ennui, on ne fait pas toujours ce qu’on veut.
Qu’il s’agisse d’un confinement imposé, d’une volonté, d’une peur quelconque, ou tout autre raison qui vous empêche de voir du monde, de socialiser, et de ne plus vous sentir isolé, voici quelques subterfuges pour comprendre, contourner, tenir à distance, et à terme dompter la solitude.
Cette courte étude peut être parcourue sans ordre particulier dans les chapitres. Exposer sans ordonner, c’est communiquer sans influencer.
Chapitre – Être seul

Il y aura toujours au moins un humain dans la pièce : c’est vous-même.
Et si vous deveniez votre propre meilleur ami ? Au fond, vous avez très probablement les mêmes goûts que… vous-même, exactement !
La première solution que j’ai trouvé quand je sens les sentiments négatifs de la solitude venir, c’est de me parler à moi-même. À voix haute, oui oui. Pas d’excuse, ici personne ne peut vous prendre pour un fou : vous êtes seul.
Et ça marche, ça lasse la solitude.
Pensez à voix haute. Faites à voix haute. Répondez-vous. Vous le ferez sûrement de manière concentrée et consciente au début, car ce n’est pas forcément naturel chez tout le monde. Puis, petit à petit, ça deviendra une habitude, inconsciente, presque décousue. Réfléchir à voix haute, meubler le profond silence autour de soi, rigoler avec soi-même… Les possibilités sont infinies, et dupent vraiment le cerveau : vous discutez, vous vous laissez porter par vous-même à travers les idées, les réflexions, les objections. Pendant ce temps, la solitude ne vous mine pas. Car vous vivez !
La voilà la clé : vivre. Nous sommes des êtres extrêmement sociaux, qui avons en permanence besoin de stimulis de toutes sortes, qu’ils soient olfactifs, sensoriels, ou bien de purs besoins psychiques.
Et bien qu’au début, sortir se balader ou manger au restaurant seul ne soit pas simple, c’est pourtant un bel échappatoire de la solitude. Et un accomplissement de soi-même. Et l’occasion de rencontrer du monde ! Mais ce n’est vraiment pas chose aisée, ni à réaliser de prime abord, ni à dompter sous forme d’habitude. Et ce n’est parfois simplement pas possible.
Chantez, dansez, buvez un verre – seul, mais avec modération, mangez un bon repas que vous avez cuisiné… Faites des activités avec vous-même.
- Qu’est ce que j’ai envie de faire, là, maintenant ?
- Mmh, tiens on va mettre un peu de musique, on n’est pas des bêtes !
Bien souvent, on ressent d’autant plus la solitude quand on s’ennuie, quand on ne sait pas quoi faire. L’esprit est moins chargé, et a donc plus de temps pour divaguer, pour écouter et ressentir. Alors, faites ! Faites ce que vous aimez, faites quelque chose de nouveau.
Il n’est pas question ici d’omettre, d’effacer, ou de lutter contre un sentiment. Il est question de comprendre, et de réorienter psychiquement une pensée ou un flux de pensée, à bon escient. Autrement dit, on ne lutte pas contre la solitude. On s’en sert.
C’est ainsi que je me suis mis à écrire des articles sur Wikipédia par exemple, ou bien à jouer de la guitare. Des amis se sont mis à résoudre d’immenses puzzles, d’autres se sont découvert des talents artistiques, à la gouache ou au dessin. C’est fou comme on se connaît si peu finalement. Et la solitude octroie bien souvent le temps; le temps nécessaire pour apprendre à se connaître soi-même, à se découvrir, comme on découvre petit à petit les qualités et les défauts de nos amis.
Chapitre – Le temps
La solitude, c’est le temps passé seul.

Le solitaire prend son temps, car précisément il est seul, personne ne le presse. Ou plus exactement, il va à son rythme. Voilà une bonne façon de voir le bon côté des choses !
Vous êtes seul, alors autant prendre le temps de faire, de penser. Ou au contraire, de ne pas attendre les autres. À votre convenance. Mais surtout, de prendre du temps pour soi.
Sans être influencé par personne. C’est souvent ce sentiment que les solitaires aiment : être seul, libre de toute chose et de toute personne, propre décisionnaire de tous ses choix. C’est grisant et addictif. Et c’est probablement l’une des meilleures choses que la solitude peut vous apporter.
Lorsqu’on est laissé seul, le cerveau s’adapte automatiquement : on prend notre propre rythme, concentré sur ce qu’on fait ou ce qu’on pense, on devient le maître de tout ce qui ne vit pas autour de nous. C’est seulement lorsqu’on prend conscience qu’on est seul, et que les relations humaines nous manquent, qu’on se sent seul.
Être seul, et se sentir seul, sont deux choses très différentes. Certains sont seuls par choix, et ne se sentent pas souvent seuls – on les appelle les solitaires.
D’autres sont seuls sans le vouloir; ceux-là subissent la solitude rapidement et de plein fouet tant qu’ils n’ont pas accepté d’être seuls et d’en tirer profit.
D’autres encore, sont très entourés socialement, et se sentent pourtant extrêmement seuls. Ceux-là souffrent d’isolement social car, la majorité du temps, ils ne s’identifient pas dans le ou les groupes auxquels ils appartiennent (différence de culture trop importante, divergences majeures de pensées…).
Peu importe à quelle catégorie vous appartenez, tirez profit d’être seul. Profitez-en pour faire ce que vous aimez, pour vous occuper de vous et de votre environnement proche, et prendre plaisir à cela. Prenez le temps de méditer. Sur la solitude, et sur d’autres choses.
Chapitre – Les vertus et les dangers
John Bowlby (1907 – 1990), psychiatre et psychanalyste britannique, célèbre pour ses travaux sur l’attachement mère-enfant
La plus grande partie des humains considèrent qu’être seul n’est pas souhaitable, et est délétère pour celui qui est seul. C’est autant vrai, que faux.
C’est en partie faux, car bon nombre de solitaires sont seuls, se sentent seuls, et apprécient cela. Voire, ils poursuivent ce sentiment, comme on poursuit le bonheur. Et c’est dans cette configuration qu’ils sont les plus heureux. Chez ces personnes, la solitude améliore efficacement la créativité, l’intellect, la spiritualité. Ils sont plus créatifs, s’ouvrent souvent à beaucoup de choses, et beaucoup des choses qu’ils entreprendront seront mieux réalisées si les conditions de la solitude sont réunies (concentration accrue, organisation améliorée…).
C’est en partie vrai, car la plupart des humains qui sont atteint du sentiment de solitude ne recherchent pas la solitude, au contraire. Ils la subissent, et souvent, ne comprennent pas l’origine de cet isolement. Chez ces personnes, l’isolement social est associé à des risques de problèmes de santé physique et mentale (dépression, suicide), ce qui augmente le risque de mortalité.
Selon J. Bowlby, le manque de connexion sociale serait associé à un sentiment d’insécurité et de danger. La solitude serait associée au sentiment de peur. Car la connexion sociale rassure : par exemple, la présence des parents rassure l’enfant, la présence du groupe de pairs rassure l’adolescent…
Mais alors, comment s’y retrouver dans ces concepts très contextuels, qui varient autant d’une personne à l’autre ?
C’est un petit peu comme le seuil de douleur : tout le monde ne souffre pas de la même façon d’une douleur donnée. La solitude au sens négatif, c’est la douleur d’être seul.
2 facteurs ont été identifiés par J. Cacioppo, qui déterminent comment la solitude va impacter celui qui est touché :
- La sensibilité à l’exclusion sociale. C’est le mécanisme de sensibilité qui provoque des signaux de détresse chez celui qui est seul. Ces signaux ont une intensité et une fréquence différentes selon les individus. Ceci pourrait être génétique.
- La capacité à auto-réguler les émotions ressenties, qu’il s’agisse d’isolement ou non : c’est la résilience psychologique. Certaines personnes iront naturellement faire des activités pour lutter directement contre les effets négatifs de la solitude, passagère ou prolongée. D’autres adopteront au contraire un comportement autodestructeur.
C’est pourquoi le sentiment de solitude est vécu si différemment selon les individus. Et les solitaires, si incompris.